Guerre tarifaire : que faire
Les guerres tarifaires vont généralement contre les principes de base de l’économie de marché, dont les principes ont été posés par David Ricardo au 18 ième siècle, mais certains y croient encore, comme Donald Trump et son économiste Peter Navarro. Les pays touchés par cette guerre vont riposter, pour cela ils disposent de beaucoup de […]
Les guerres tarifaires vont généralement contre les principes de base de l’économie de marché, dont les principes ont été posés par David Ricardo au 18 ième siècle, mais certains y croient encore, comme Donald Trump et son économiste Peter Navarro. Les pays touchés par cette guerre vont riposter, pour cela ils disposent de beaucoup de moyens, parfois contradictoires, souvent complémentaires.
Aider les entreprises touchées
Le premier moyen est d’aider les entreprises touchées qui risquent de fermer ou mettre une partie de leurs employés au chômage. L’idée n’est pas de le faire sur une longue durée, mais le temps pour ces entreprises de trouver de nouveaux marchés ou réorienter leur production sur d’autres produits.
L’autre moyen est de verser des aides pour que les entreprises se forment à affronter la compétition à l’étranger, il existe des formations à l’export sur le marché.
Missions export
Les missions export sont organisées par le gouvernement et sont composées d’hommes politiques et d’hommes d’affaires. L’idée est de passer des accords de coopération et d’ouvrir les portes auprès de personnes qui auraient été inaccessibles aux entreprises avant.
C’est ensuite aux hommes d’affaires d’utiliser tous les moyens pour augmenter leurs ventes.
Taxer tous les produits du pays visé en retour
Taxer tous les produits du pays « agresseur » est la solution souvent utilisée et les arguments deviennent les mêmes que ceux des protectionnistes :
- On punit les entreprises du pays qui nous attaque économiquement
- On remplace les importations provenant de ce pays par notre marché local
- On défend notre industrie locale et on lui permet de se développer à l’abri des taxes
- On protège nos emplois
- On développe une indépendance stratégique.
Par contre cette politique nécessite:
- d’avoir des ressources naturelles nécessaires à l’autonomie du pays
ou
- de passer des accords commerciaux avec d’autres pays.
Supprimer toutes les taxes à l’import du pays visé
Une autre théorie est de dire que tous les droits de douane des produits importés, même en rétorsion contre le pays « agresseur », sont mauvais puisque ce sont les consommateurs qui vont les payer et que cela va créer l’inflation et diminuer notre compétitivité.
Les avantages de ne pas riposter seraient donc de:
- Limiter l’inflation
- Protéger les consommateurs
- Protéger les entreprises d’une hausse de prix de leurs matières premières de telle manière qu’elles puissent exporter vers les pays étrangers à bon prix
- Limiter les éventuelles mesures de rétorsion du pays protectionniste.
En gros leur argument est de dire : laissez les protectionnistes se punir eux-mêmes, mais nous ne le ferons pas pour nous-mêmes.
Taxer les produits de manière sélective
En fait, c’est à mon avis la meilleure manière de lutter de manière sélective et intelligente en pénalisant le pays protectionniste tout en minimisant les conséquences pour nous.
Les principes sont les suivants :
- Exonérer de taxes à l’importation les produits dont on a besoin, ceux pour lesquels nous n’avons pas de substitution, pour les consommateurs et l’industrie, afin de ne pas nous pénaliser nous-mêmes.
- Passer des accords avec d’autres pays pour limiter le nombre de ces produits dont nous sommes dépendants.
- Taxer tous les produits du pays protectionniste que nous sommes capables de substituer par notre production locale afin de protéger et développer notre industrie.
- Cibler certains secteurs stratégiques à taxer, par exemple Tesla ou Starlink. L’objectif est doublement économique et politique.
De manière simple, il suffit de vérifier les produits peu taxés par les américains. Ils en ont besoin pour leurs secteurs stratégiques comme la santé ou l’armement. Il faut au contraire viser ces produits avec des taxes à l’exportation, c’est la façon de leur faire le plus mal immédiatement.
Bien entendu ces taxes ne doivent pas être dépensées de manière inutile par le gouvernement, mais reversées pour aider les entreprises locales à se développer.
Taxes à l’exportation
C’est l’arme la plus forte, celle aussi qui risque de mettre le plus en colère le pays visé qui va lui-même menacer de nouvelles mesures de rétorsion. Voici les étapes:
- Faire la liste des biens ou matières première nécessaires à l’autre pays, par exemple pour les États-Unis : terres rares pour l’électronique, uranium, graphite, cobalt pour véhicules électriques, énergie électrique, certains types de pétrole.
- Les taxer fortement à l’exportation ou même les interdire. Mais attention, on a vu avec la Russie que les sanctions sont contournées avec des achats par l’intermédiaire de pays non visés.
- Plus dangereux encore, le pays protectionniste doit devenir autosuffisant pour assumer sa politique et mettre en œuvre une politique impérialiste d’accaparation de territoires possédant des terres rares nécessaires à son autonomie. On le voit en 2025 avec Donald Trump exprimant la volonté de s’accaparer du Canada et du Groenland.
Barrières non tarifaires
Les barrières non tarifaires sont encore plus rédhibitoires et viennent compléter les droits de douane :
- Les quotas à l’import ou à l’import
- Normes basées sur les produits de production locale et bloquant les autres
- Licences imposées sur certains territoires spécifiques
- Les lourdeurs administratives sont dissuasives.
Combinaison de quotas et barrières tarifaires
La combinaison de quotas et de droits de douane à l’import est généralement appliquée dans le cadre d’accord entre deux pays afin de réguler les échanges de manière souple, on accepte une certaine quantité de produits et au-delà on met un droit de douane. Par exemple, les États-Unis et le Canada se sont entendus concernant les produits laitiers permettant aux Américains d’exporter une certaine quantité au Canada sans droits de douane, mais au-delà d’un certain seuil on impose des droits de 300%.
Par contre il est mensonger de dire, comme l’a affirmé la Maison-Blanche, qu’il existe des droits de 300% dans la mesure où, dans les faits, ils ne sont pas ou très rarement appliqués.
Étiquettes des produits locaux ou du pays visé
Il existe trois possibilités d’étiquetage :
- Obliger les distributeurs à étiqueter de manière visible les produits originaires des pays visés afin que les consommateurs évitent de les acheter, c’est assez rare.
- Étiqueter les produits taxés qui sont frappés par les tarifs avec T. Mais les distributeurs qui l’ont essayé au Canada se sont fait critiquer par des organisations de consommateurs estimant que c’était une manière de justifier les augmentations de prix.
- Étiqueter les produits locaux de manière visible, comme on le voit dans beaucoup de magasins canadiens, c’est la manière la plus positive et efficace.
Boycottage
Le boycottage des produits américains est encore plus efficace que les barrières tarifaires puisqu’il est réalisé de manière volontaire par les consommateurs.
Le boycottage s’effectue généralement de manière complémentaire aux droits de douane à l’entrée.
Accords avec d’autres pays pour se protéger et frapper le pays agresseur
Les accords entre pays représentent le moyen le plus efficace de rétorsion pour des petits pays vis-à-vis d’un gros joueur.
Ces pays vont se concerter pour :
- Lister à l’intérieur de l’union douanière les produits de substitution
- Taxer les produits qui viendraient concurrencer ces produits de substitution.
- Identifier les produits stratégiques à l’état visé et imposer des taxes à l’exportation.
Le Canada par exemple risquerait de voir son économie s’écrouler en se battant seul contre les États-Unis qui représentent 80% de ses exportations, mais une alliance avec l’Europe changerait la donne. Le Canada pourrait alors :
- Exporter ses terres rares, ses minerais, son aluminium et son acier vers l’Europe.
- Mettre des taxes à l’exportation pour ces produits achetés par les États-Unis dont les revenus seraient affectés à la construction d’un pipeline pour exporter pétrole et gaz vers l’Europe ainsi qu’au développement de voitures canadiennes en Ontario.
De la même manière, l’Europe deviendrait indépendante de la Russie et du Moyen-Orient pour son pétrole, son gaz, ses terres rares.
Améliorer l’efficacité et la productivité
Les moyens précédents ne servent à rien si nous n’en profitons pas pour augmenter notre efficacité gouvernementale et notre productivité, c’est la partie la plus importante.
Pour cela il faut :
- Couper dans les dépenses de l’état grâce à un projet de type DOGE, mais appliqué de manière moins brutale et plus souple qu’aux É.-U.
- Supprimer les réglementations qui bloquent les entreprises avec des lois telles que pour chaque nouveau règlement il faut en supprimer dix.
- Diminuer les impôts des entreprises et des particuliers
- Faciliter les transports et la compétitivité à l’interne.
Si l’Europe et le Canada font cela, elles pourront résister aux États-Unis, sinon Trump réussira son pari et attirera les investissements et les grandes entreprises chez lui.
Le plan d’action pour lutter contre les mesures tarifaires
- Passer des accords avec ses alliés
- Établir la liste des produits qui ont des possibilités de substitution chez nous et nos alliés, puis la liste des produits stratégiques non substituables chez le pays visé.
- Imposer des droits de douane forts et des barrières non tarifaires sur les produits importés substituables.
- Imposer des taxes à l’exportation sur les produits stratégiques et non substituables du pays visé
- Affecter les revenus des taxes pour développer nos secteurs stratégiques comme la tech, l’IA, l’armement.
- Simplifier et améliorer l’efficacité de notre économie.
En conclusion
La règle la plus simple pour se défendre est de vérifier les produits non taxés par les États-Unis, savoir que c’est parce qu’ils en ont besoin, et que c’est eux sur lesquels il faut mettre des taxes à l’exportation.
De manière générale, les guerres tarifaires ne sont bonnes pour personne, à part celles de courte durée visant à développer une industrie; à long terme elles amènent chômage et inflation.
Par contre c’est une opportunité extraordinaire pour l’Europe, le Canada et même tous les pays du monde de stimuler leur industrie de la défense, du pharmaceutique, du numérique, de l’IA, de développer leur indépendance stratégique, et de se renouveler.
Jean-Pierre Mercier